Auteur·rice·s
Catherine Bodmer
Directrice générale du Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec
Cyrille Commer
Directeur général en intérim du Regroupement québécois de la danse
Julie-Anne Richard
Codirectrice générale du Conseil québécois du théâtre
Dominic Trudel
Directeur général du Conseil québécois de la musique
Au nom de la coalition La culture, le coeur du Québec.
Texte:
Le comité directeur de la Coalition La culture, le coeur du Québec lance un appel aux instances politiques face à l’avenir du milieu culturel québécois. Le budget 2024 sera déterminant quant à la survie de nombreux intervenants clés de la chaîne artistique. En effet, les défis économiques actuels, juxtaposés à la pandémie de COVID-19, contribuent à dévaster un secteur d’activité déjà fragilisé depuis plusieurs années.
Nous rappelons que la Coalition, qui regroupe plusieurs organismes représentant plus de 160 000 artistes, artisans et travailleurs culturels de tous les secteurs des arts et de la culture du Québec, a demandé lors de la campagne électorale provinciale de 2022 que le budget en culture soit augmenté à au moins 2 % du budget du Québec. Or, lors du dernier exercice budgétaire du printemps 2023, les mesures liées au soutien de la main-d’oeuvre, au fonctionnement des organismes ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie des artistes étaient absentes.
Face aux conditions de travail précaires qui ne cessent de se détériorer, certains artistes et travailleurs abandonnent le secteur, les difficultés de rétention de la main-d’oeuvre deviennent une réalité de plus en plus criante. La Coalition désire unir ses voix afin d’ouvrir la discussion à une question qui apparaît désormais nécessaire : souhaitons-nous encore que le Québec se distingue culturellement ?
Comment est-ce possible de faire de notre culture le véhicule de notre identité, de la faire vivre sur l’ensemble du territoire et à l’étranger sans d’abord en soutenir le coeur battant ? Comment la faire briller et la propulser si, à son fondement même, on hésite sur son importance et le rôle essentiel qu’elle joue dans le développement de la société québécoise ? Bien sûr, il faut soutenir la découvrabilité de notre culture sur les grandes plateformes numériques et nous prémunir du ravage de son invisibilité auprès de la jeunesse. Mais tout ne se jouera pas là. Notre culture est portée par des créateurs et des travailleurs culturels qu’il est d’abord nécessaire de soutenir à leur juste valeur en leur offrant des conditions de pratique et de travail décentes.
À l’heure actuelle, notre secteur vit, plus que jamais, un moment critique et le prochain budget pourrait mettre à risque nos créateurs et organismes culturels. Nombreux sont ceux qui anticipent des déficits vertigineux et récurrents, sans parler des artistes et artisans qui peinent à travailler dignement. Ces derniers font face à des conditions d’emploi si précaires qu’elles suggèrent que leur pratique constitue une sorte de sous-métier, une professionnalisation de second rang.
En ces temps où l’inflation insécurise les ménages, où les piliers de notre société tels que les soins de santé, le logement et l’éducation sont mis à mal, la culture s’inscrit comme un vecteur économique et identitaire puissant qui prend également part à la santé et à l’éducation de la population du Québec. La reconnaissance de l’impact collectif des artistes et des travailleurs culturels ne peut être ignorée et doit s’inscrire dans une vision gouvernementale forte et porteuse d’avenir.
Souhaitons-nous encore de la culture au Québec ? C’est aussi se demander quel projet de société nous voulons mettre en avant et quel avenir nous décidons de bâtir dès aujourd’hui. Le budget 2024 devra répondre à cette question, car sans un engagement ferme de la part du gouvernement et malgré tous les efforts des artistes, artisans et travailleurs culturels qui la maintiennent en vie avec toute la résistance de leur passion, la culture québécoise est plus que jamais menacée.
* Ont aussi signé cette lettre : Christian Laforce, directeur général de Copibec ; Sonia Pelletier, directrice générale du Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d’expérimentation ; Nadia Drouin, directrice générale d’En Piste, regroupement national des arts du cirque ; Julien Silvestre, directeur général du Conseil des métiers d’arts du Québec.
Sources
Texte sur le site de Le Devoir
